« Ce collage est un cri d’alerte, une fiction dramatique où se confrontent l’insouciance estivale et l’horizon polaire préoccupant. Je souhaitais créer une scène surréaliste, percutante et lumineuse. »
Cette semaine, plongée dans l’œil d’Émilie Möri, photographe française qui se plaît à composer des images aux teintes édulcorées, portées par une émotion brute. Pour Fisheye, elle revient sur l’un de ses collages, qui dénonce le tourisme de masse estival.
« J’ai créé cette image l’été 2019. Je quittais pour deux mois mon lieu de résidence principale, situé au bord de l’océan Atlantique, d’habitude si calme, pour fuir le surtourisme estival. J’ai alors imaginé un collage, fusionnant un iceberg gravé dans ma mémoire depuis un voyage en Argentine, en 2008, avec la plage que je laissais derrière moi. Peu fréquentée ce jour-là, elle m’est apparue dans des nuances pastel. Un contraste délibéré avec la chaleur écrasante de la saison et le thème de cette image, la fonte des glaces et le réchauffement climatique, s’opérait. Mon intention était de prendre des clichés de cet endroit avant de partir, motivée par une profonde consternation face à l’indifférence des touristes envers l’environnement. Leur négligence, manifestée par les déchets abandonnés sur le sable, sans même un regard pour l’océan, m’a choquée.
Cela m’a poussée à m’interroger : “Que faudrait-il pour éveiller l’humanité au désordre climatique ? Comment réagirait-on si la fonte des glaces devenait visible depuis nos côtes françaises ? Comment pouvons-nous représenter la menace de l’inaction ?” Ce collage est un cri d’alerte, une fiction dramatique où se confrontent l’insouciance estivale et l’horizon polaire préoccupant. Je souhaitais créer une scène surréaliste, percutante et lumineuse. La superposition de deux photographies, combinée à une recolorisation, nous transporte dans un monde parallèle, où l’on peut presque entendre le bruit du glacier se mouvant dans un silence inquiétant. Pour nuancer les teintes, j’ai d’abord converti le tirage en noir et blanc, puis j’ai méticuleusement coloré chaque élément via Photoshop. Le résultat est un contraste saisissant : une esthétique rafraîchissante qui se heurte à la gravité du sujet. Malgré le nombre d’images que j’ai réalisées depuis 2012, cette œuvre reste ancrée dans mon esprit, et sa pertinence, hélas, ne fait que s’accroître avec le temps. »