La photographe indépendante Maud Bernos nous embarque dans des conversations intimistes avec des femmes photographes dans son nouveau podcast Des Clics. Ensemble, elle et ses invitées naviguent à travers des parcours singuliers, des esthétiques plurielles et reviennent sur les combats qu’elles mènent autant pour faire valoir leur travail d’artistes que pour tendre vers une société plus égalitaire. Rencontre.
« Qu’est-ce qui vous empêche de dormir la nuit ? ». Voici la première question de Maud Bersos à la portraitiste Laura Stevens dans l’épisode #1 de Des Clics. « Mon petit chat », répond l’interviewée. Puis, elle évoque également la peur et la solitude. Dans ce podcast récemment sorti sur les plateformes d’écoute, Maud Bernos développe une chambre à soi sonore, où des photographes de toute génération s’ouvrent sur leurs parcours, sur leurs combats et sur leurs images.
Au micro, les artistes laissent tomber le voile et révèlent autant leur personnalité que leur processus créatif. « J’avais envie d’écouter des autrices raconter leur création de façon personnelle. Lorsqu’on parle de photographie à l’antenne, c’est souvent technique, un peu détaché et froid » soutient la podcasteuse. Partant d’un constat qu’à la radio, on entend peu de femmes s’exprimer, Maud Bernos a conçu des conversations dans l’optique de les visibiliser dans le milieu artistique tout en s’attardant sur les enjeux sociétaux de notre temps.
Cet état des lieux fait également écho au second rapport d’enquête (2021) de l’Observatoire de la mixité des Filles de la Photo – un collectif de professionnelles de la sphère de la photographie – qui avance que « les femmes photographes se sentent davantage en difficulté et ont plus de mal à promouvoir leur travail [que leurs homologues masculins]. » Pour les trois premiers épisodes, Maud Bernos explore différents univers, de la mode au portrait, en passant par le photojournalisme, toujours avec délicatesse et sincérité.
Voir avec les mots
En plus de revenir sur des portraits d’artistes et sur des combats, Maud Bernos souhaite « rendre la photographie accessible, qu’on ne soit pas concentré dans notre petit cercle professionnel et surtout donner aux gens l’envie de découvrir les images de celles que j’interviewe », explique-t-elle. En ce sens, le podcast semble être le format le plus adéquat. Au fur et à mesure que Laura Stevens dévoile son parcours, que sa douce voix teintée d’accent britannique nous berce à travers ses expériences, on devine son travail, son utilisation de la lumière, son attrait pour les couleurs, le rouge en particulier, qu’elle associe à l’amour. « Ce qui fait qu’on peut parler de photo sans voir les images, c’est l’intimité et l’histoire des chemins de chacune », assure la fondatrice du podcast.
Pour les trois épisodes pilotes, Maud Bernos a misé sur des approches différentes et des personnalités déterminées. « Pour Laura Stevens, c’était une évidence, avoue-t-elle. Je connaissais très bien son travail. Et il y a quelques mois, elle a intégré l’agence de portraitistes Modds ». Pour le deuxième opus, qui sort aujourd’hui sur les plateformes d’écoutes, la podcasteuse s’est tournée vers Sara Imloul, une artiste plasticienne française qui mêle photographie autobiographique, travail à la chambre et manipulation digitale. Ses œuvres seront par ailleurs présentées à la Hopstreet Gallery pour la 9ᵉ édition du PhotoBrussels Festival, du 12 janvier au 1ᵉʳ mars 2025. Enfin, le troisième volet – dont la sortie est prévue courant février – sera consacré à Anaïs Oudart, portraitiste et documentariste, qui a notamment été soutenue par le Mentorat #2 des Filles de la Photo et récompensée en 2023 par le prix Caritas Photo Sociale. « Ce qui m’a mené vers Anaïs, ce sont les sujets qu’elle traite. Des sujets liés aux femmes, des sujets difficiles, mais essentiels à aborder », confie Maud Bernos. Ces récits personnels et ces approches techniques et variées du médium embrassent des thématiques phares de nos sociétés contemporaines, du male gaze au viol des femmes comme arme de guerre, en passant par une réflexion collective autour de la question de l’identité. « L’image n’a pas besoin d’être devant l’auditeur·ice. Mais entendre Laura, Sara et Anaïs parler d’elles vous donneront envie de découvrir leurs photographies », conclut Maud Bernos.