À la quête de ses racines polonaises, Vanessa Kuzay dévoile un récit empli de mélancolie avec, pour protagoniste, son fils. Dans Après les cigognes, la photographe française construit des souvenirs manqués et compose une délicate histoire aussi intime qu’universelle.
Alors qu’elle venait de donner naissance à son fils, désormais âgé de dix ans, Vanessa Kuzay se voit submerger par des instants de doute et de fragilité. Les repères s’égarent, elle se retrouve complètement déboussolée. Afin d’exprimer certaines émotions qu’elle ne parvient pas à verbaliser, elle s’essaye à la photographie. « Dans ces moments, j’ai pensé à ma grand-mère paternelle que je n’ai pas connue. Elle est morte brutalement lorsque mon père était tout jeune adolescent. Mère à mon tour, je me suis souvent demandé ce que je pouvais avoir en commun avec elle, ce qui pouvait nous relier à travers le temps et les lieux », se remémore l’artiste marseillaise qui travaille dans le secteur du cinéma et de l’audiovisuel. En 2017, Vanessa Kuzay part en Pologne et en Isère pour immortaliser les endroits où avait vécu sa grand-mère. Au fil des années, alors qu’elle se situait dans une démarche documentaire, la photographe emprunte un autre chemin.
« Au cours d’une masterclass de Claudine Doury avec l’Agence VU’, j’ai pu réaliser que derrière cette quête, c’était bien le sujet de la maternité et du lien avec mon fils que je voulais développer », assure-t-elle. De ce constat, nait la série Après les cigognes, elle précise : « C’est comme si je partais avec mon enfant rendre visite à son arrière-grand-mère et finalement comme s’il devenait mon guide dans un passé qui nous est inconnu à tous les deux. » En mettant en scène son propre fils, Vanessa Kuzay livre un récit profondément intime, mais offre une lecture collective touchante sur les liens unissant une mère à ses enfants. Nos regards se laissent bercer par une douce mélancolie visuelle et nos émotions se bousculent. Le médium se transforme alors en un outil thérapeutique et lui permet de traduire ses états d’âme les plus intenses.
Un album de famille
En faisant le choix d’abandonner les fantômes du passé, Vanessa Kuzay se connecte au présent et crée des souvenirs impérissables avec son enfant. Dès 2022, elle retourne en Pologne, mais, cette fois-ci, en s’éloignant du village natal de sa grand-mère dans un objectif précis : immortaliser ce pays de façon fantasmée et imaginaire. « Au lieu de me focaliser sur les pages absentes de mon album de famille, j’ai compris que j’avais mon propre album à construire », confie-t-elle. Au cours des voyages, l’artiste veille à dénicher des logements où le temps semble s’être arrêté, s’apparentant alors à de vieilles maisons de famille où un tas de souvenirs peuvent prendre vie. « Ce type d’endroits ne manquent pas. Avec mon fils, on se racontait souvent des histoires de fantômes. Le soir tombant, il s’amusait à partir à leur recherche. Finalement, prise à mon propre jeu, j’ai passé quelques nuits blanches sous la couette, effrayée par le moindre craquement, tandis qu’il dormait paisiblement », se souvient Vanessa Kuzay.
Le silence prédomine dans l’univers visuel de l’artiste, et pourtant, loin de l’agitation d’un milieu urbain, elle arrive à écrire un récit chaleureux faisant écho à de nombreuses autres histoires. Inspirée de ses ancêtres, Vanessa Kuzay a pu se libérer des songes du passé et construire, à son tour, ses propres souvenirs. « J’ai accouché le mois dernier d’un petit garçon, je suis en effet tombée enceinte juste après avoir terminé cette série au titre finalement prémonitoire. Ce projet m’a en quelque sorte réconciliée avec ma maternité », confie l’artiste. Un accomplissement touchant pour celle qui s’est intéressée à la photographie grâce aux archives de ses grands-parents maternels.